La liberté académique n’existe pas dans les universités francophones du Québec

Song Yang
8 min readDec 15, 2021

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Je ne parle pas du mot en N contre les Noirs. Ce mot se prononce librement avec l’appui politique de l’Assemblé Nationale et la commission menée par l’ancien péquiste Cloutier.

Je parle de la langue anglaise et de tout ce qui va contre le statu quo de la pensée majoritaire québécoise.

The front tower building of University of Montreal
La tour de l’Université de Montréal

Zéro mot anglais permis à l’enseignement universitaire

J’étais auxiliaire d’enseignement à l’Université de Montréal en informatique, un domaine connu pour la nécessité de la langue anglaise. Durant mon premier cours, j’ai donné la permission de soumettre les travaux en anglais.

Pour l’université, c’était une concession excessive. Pourtant, je ne forçais personne. C’était un choix. Et comme j’étais le correcteur, c’est à moi de prendre la responsabilité de corriger.

Mais non, tout de suite, j’ai reçu un courriel du professeur disant que c’était contre les règles et que tout devait être en français. L’université s’est dotée d’un département de contrôle linguistique similaire à l’OQLF depuis 2001. Les gens peuvent y déposer des plaintes contre des activités académiques linguistiquement illégales.

Courriel d’avertissement pour avoir permis l’anglais dans les devoirs d’informatique

À cause de cette pression politique constante, j’ai démissionné dans les heures suivant la fin de mon premier cours.

L’UdeM est francophone, mais elle est d’abord une université

Les gens vont à l’université pour étudier la matière de leur choix, ce qui est pour la quasi totalité des gens pas la langue française. Par contre, l’UdeM se comporte plus comme un camp de francisation que d’enseignement du savoir-faire.

Pour le professeur Frédéric Mérand, qui a pourtant lui-même fait ses études à McGill et à UC Berkeley aux États-Unis, les gens doivent “résister” de commettre des abus de l’anglais. Selon lui, les Jeux olympiques de Paris 2024 sont allés trop loin lorsqu’ils se sont donnés le slogan “#MadeforSharing”. Dans une correspondance par courriel, M. Mérand précise que les noms des institutions francophones traduits en anglais consistent une forme d’abus linguistique, notamment la “Paris School of International Affairs” de Sciences Po.

Si seulement la défense de la langue française n’était réservée qu’aux noms d’organismes! L’UdeM s’engage à limiter le plus d’activité en anglais possible, comme je l’ai vécu en informatique. La protection québécoise de la langue française est mutuellement exclusive de la curiosité intellectuelle et scientifique. Les affiches dans les couloirs de l’université sont là pour rappeler les gens de penser et agir en français, et en français seulement.

Les affiches de l’UdeM pour rappeler les gens du français

En effet, la plupart des professeurs en informatique comprennent le besoin de l’anglais. C’est pour cela qu’ils cachent la nature multilingue de leur cours de l’administration, afin de ne pas se faire punir. Selon VP Externe Étienne Beaulé de l’association étudiante d’informatique, il y a quelques étudiants au baccalauréat qui ont porté plainte du fait qu’ils ont eu des cours qui n’étaient pas unilingues français.

Ces professeurs d’informatique vont même plus loin que moi dans leurs cours. Ils donnent des explications en français et en anglais simultanément. Je n’ai qu’autorisé les devoirs écrits en anglais, alors que je parlais français seulement dans mon cours.

Est-ce possible de se trouver une job en informatique sans toucher l’anglais?

Un meme que j’ai montré à mes étudiants. La blague devient de plus en plus réelle.

Non.

Après avoir vu ce que l’Université de Montréal fait aux gens au bac, est-ce qu’une entreprise a encore envie d’engager une personne détenant un diplôme de cette institution? Une personne qui ne peut pas toucher l’anglais en informatique est inutile sur le marché du 21e siècle.

La plupart des professeurs ont fait la même réalisation. Par conséquent, les manuels sont tous en anglais à l’UdeM. Il n’y a pas de manuel en français en informatique. Pourquoi pas traduire ces livres en français? Les règles de l’université vont forcer son usage par dessus le reste. En traduisant ces ouvrages, on perd sa liberté académique. De plus, les chercheurs ont un temps limité qui serait mieux mis ailleurs.

Les universités européennes, à l’extérieur du Royaume-Uni, exigent même une connaissance suffisante de la langue anglaise en plus de la langue de l’université pour leur programme en informatique. Par exemple, l’Université d’Aix-la-Chapelle en Allemagne donne certains cours de dernière année de bac en anglais seulement. De plus, plusieurs programmes à la maîtrise, peu importe le sujet, sont entièrement en anglais, comme Sciences Po. Ces universités veulent que les gens puissent avoir le plus d’opportunité possible dans le monde, incluant les endroits à l’extérieur de leur langue. C’était d’ailleurs ma philosophie d’enseignement, ouvrir le plus de porte possible pour mes étudiants et étudiantes peu importe le lieu géopolitique. Les études universitaires servent à quelque chose dans la vraie vie. Les gens dans mon cours de génie logiciel sont là parce qu’ils veulent un travail dans l’industrie, pas parce qu’ils veulent brûler le temps minimum du bac. Le génie logiciel n’est pas un bird course.

C’était d’ailleurs ma philosophie d’enseignement, ouvrir le plus de porte possible pour mes étudiants et étudiantes peu importe le lieu géopolitique.

Le logo de l’UdeM avec son slogan “Université de Montréal et du monde”
Marketing ironique de l’UdeM qui se dit ouverte au monde pas seulement physiquement mais aussi intellectuellement!

Seule la recherche politiquement correcte au Québec est acceptable

Qu’est-ce qui est politiquement correcte ici? Grâce au nationalisme québécois énoncé par François Legault, on sait que quelque chose est politiquement correcte si elle est en français, si elle est laïque, si elle protège les sentiments des Blancs francophones et si elle hurle Québec bashing à tous ceux qui ne sont pas en accord.

C’est d’ailleurs pour ce fait que le premier ministre du Québec défend la liberté académique en Ontario, parce que la personne visée est une Blanche francophone. Pourtant, il y a une réaction complètement opposée envers le professeur Amir Attaran, une personne non-blanche à la même université.

Avec cette pensée commune, les chercheurs perdent leur financement et leur permission de recherche dans les universités francophones si leur recherche se porte sur des questions sensibles comme la langue et la religion. C’est notamment le cas à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) selon les expériences d’une personne qui a exigé que son identité soit protégée.

Lorsque le feu vert est donné, les chercheurs doivent avoir le dos large. Si les résultats de leurs études ne viennent pas valider le discours répandu voulant que le français fasse l’objet d’une perpétuelle menace, ils peuvent être vivement critiqués. Cela est arrivé lors des consultations de la loi 96 où Charles Castonguay s’est ouvertement attaqué à la thèse d’une diplômée de l’université Laval en la discréditant publiquement comme étant “sans intérêt”. Donc, en plus de déraciner la recherche avant même que ça commence, on essaie de la discréditer au lieu d’y débattre comme il faut lorsqu’elle est publiée.

Contrairement à Madame Lieutenant-Duval de l’Université d’Ottawa, j’ai subi des conséquences plus graves qu’une suspension temporaire pour avoir dit oui à des devoirs en anglais. J’ai démissionné.

Poursuite judiciaire

En 2015, la direction de l’UdeM se s’est senti blessée par une comparaison avec un personnage d’un show pour enfants des années 1960. Ils ont décidé de mener une poursuite judiciaire au nom de la diffamation contre le syndicat étudiant qui avait publié cette comparaison. Le procès a été amené à la Cour supérieure, mais il a été résolu par médiation dans les années suivantes. L’UdeM a même avoué que la poursuite judiciaire avait pour but de faire taire les futurs critiques. Cette poursuite se base sur une situation similaire entre le président chinois Xi Jinping et Winnie de Pooh.

Personnage de Gilligan avec lequel le syndicat étudiant a comparé les dirigeants de l’UdeM. (Image de Wikipédia)

Si seulement j’avais pris connaissance de cette habitude avant d’avoir écrit un blog sur Medium.com! J’ai critiqué l’usage d’un logiciel open-source dans le département d’informatique. L’université m’a convoqué à une réunion privée pour me réprimander verbalement et m’avertir qu’une poursuite judiciaire de diffamation serait possiblement entamée contre moi si je continuais à écrire des blogs. Le titre du blog était “Why Universities Should Not Use Gentoo” (Pardonnez-moi pour la présence anglaise). Par peur, j’ai supprimé ce blog pour maintenir de bonnes relations professionnelles.

Et les universités anglophones?

Contrairement aux universités francophones, les universités anglophones au Québec succombent beaucoup moins à la pression politique, que ça soit nationaliste ou non. Même si l’union étudiante de McGill a exigé le retirement de titre émérite du professeur Philip Carl Salzmann pour ses propos nationalistes blancs, McGill ne l’a pas fait. McGill laisse même un psychologue promouvant la thérapie de conversion aux personnes trans donner des conférences. Quelle ouverture pour une université “woke”!

Finalement, il n’y a certainement pas de pression linguistique québécoise à McGill lorsque tout le monde est garanti le droit de soumettre les devoirs en anglais et en français, tout comme à Concordia. Dans certains cas, les profs donnent l’opportunité de soumettre les travaux dans une langue non-officielle du Canada, car ils ne veulent pas supprimer le potentiel humain de leurs étudiants et étudiantes.

Que apporte le nationalisme à la science?

Selon Albert Einstein, le nationalisme est une maladie infantile.

Sans même imposer la Loi 101 à l’université, comme le veut Charles Castonguay et plusieurs autres avec la loi 96, on ressent déjà les restrictions linguistiques dans les activités universitaires. Le tabou de la langue au Québec n’encourage pas l’étude et la recherche. Courageux et concernés par le manque d’intellectualisme, les professeurs défient les règles des institutions francophones au détriment de leur carrière. Certains se font punir, d’autre non, dépendamment de leur position de pouvoir dans l’hiérarchie académique.

La situation vécue par les enseignants à l’UdeM ressemble à la censure exercée par le gouvernement chinois sur sa population. Tout comme il est techniquement interdit de visiter des sites non-permis sur l’ensemble du territoire chinois, il est interdit d’utiliser l’anglais au bac à l’UdeM, mais les gens le font peu importe parce que le savoir scientifique est plus important. La goutte qui ferait déborder le vase serait de se plaindre publiquement. Puis, une menace judiciaire serait envoyée afin de faire taire ces propos “diffamatoires”.

Je me demande si les étudiants internationaux ont pris connaissance de l’atmosphère politique-linguistique au Québec avant de venir ici. Après tout, le Canada est ce que les gens perçoivent lorsque les étrangers arrivent ici, surtout avec tous ses classements impressionnants sur toutes les échelles de démocratie et de liberté. Pour les étudiants venant de la Chine, la pression nationaliste québécoise a l’air d’une piqûre de moustique comparé à ce qu’ils vivent là-bas. Mais pour tous ceux qui ne veulent pas se faire piqué du tout, il y a de meilleurs endroits pour étudier, enseigner et poursuivre la recherche.

Pour toutes les autres personnes qui n’ont pas l’opportunité de s’échapper du système, l’ingérence nationaliste à l’université ne peut que faire du mal à leur vie. Comment peut-on faire des découvertes à temps si nous avons une allergie de tout ce qui n’est pas en français? Comment peut-on rapidement mettre nos inventions sur le marché avec nos réglementations linguistiques? Quelques centaines de km au sud de Montréal se trouvent les deux vaccins de COVID-19 les plus demandés au monde.

Après ma démission

Quelques jours suivant ma démission du poste d’auxiliaire d’enseignement, mes étudiants et étudiantes ont continué à se battre pour une éducation libre et ont demandé l’option de rédiger leur devoirs d’informatique en anglais. Mon successeur a transmis la demande au professeur. La demande a été acceptée.

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Song Yang
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Written by Song Yang

Canadian political commentator, emphasis on Quebec

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